Améliorer la transparence

Second rapport publié sous la houlette des socialistes, on peut saluer la publication, seulement 7 mois après la fin de l’exercice, au lieu des 10 ou 11 mois pour les précédentes éditions.

Le contenu du rapport a été amélioré avec des annexes renforcées, notamment avec un retour de quelques fiches-pays certes sous un format simplifié… Toutefois, il manque toujours une répartition détaillée des livraisons par catégories de matériel, sans laquelle aucun véritable contrôle ne peut être exercé.

Par exemple, l’examen du rapport montre que du matériel de la catégorie 7 a été exporté en Algérie, en Arabie saoudite, au Bahreïn, en Chine, en Israël, aux Émirats arabes unis, au Qatar, en Russie, États. Or, cette catégorie comprend de nombreux produits dont les agents chimiques et autres agents antiémeutes. Sans une liste plus détaillée des produits et matériels exportés, il vous est impossible de vérifier que la France n’ait pas contribué à la répression exercée par les forces de l’ordre ou les militaires dans ces pays…

Mise en place d’une commission permanente

Actuellement les lignes directrices en matière d’exportation sont fixées uniquement par le gouvernement. La mise en place d’une commission parlementaire ad hoc, chargée de débattre régulièrement de la politique d’exportation des systèmes d’armement et du matériel de sécurité permettrait de renforcer le contrôle. Elle devrait également procéder à un examen a priori des demandes d’exportation d’armes vers les destinations sensibles ou d’un certain montant à fixer. De même, les partenariats stratégiques — que souhaite développer le ministre de la Défense pour renforcer les exportations — devraient faire l’objet d’un débat et d’une approbation parlementaire avant d’être signés.

Le but de ce contrôle n’est pas de se suppléer à la Cieemg [Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre], mais de jouer un rôle d’alerte préalable à la décision d’autorisation émise par le Premier ministre pour tous les transferts vers des destinations sensibles, le but étant notamment de prévenir un nouvel Angolagate ou Amesys-gate

Il s’agit d’éviter les écueils pointés par les députés Sandrier, Veyret et Martin dans leur rapport sur le contrôle des exportations d’armement publié en 2000 : « Le débat public finit toujours par se centrer sur les profits ou les pertes financières causées par les exportations, sur les conséquences de tel contrat pour l’emploi, sur les impedimenta du contrôle. »

Ainsi, la liste des destinations sensibles pourra faire l’objet d’une discussion régulière entre les ministères de la Défense et des Affaires étrangères, les parlementaires et les ONG. Bien sûr, cette liste sera élaborée sur la base du respect des huit critères de la Position commune de l’Union européenne et du Traité sur le commerce des armes qui devrait bientôt entrer en vigueur.

Par « destinations sensibles », on entend des « zones à risque » soumises soit à de fortes tensions internes ou régionales, soit sujettes à des violations importantes de droits de l’homme (y compris l’absence de liberté politique). Le risque de détournement de l’armement livré et les capacités économiques de l’État destinataire doivent aussi être pris en compte. Ce terme doit faire l’objet d’une interprétation extensive.

Bien sûr, pour que le Parlement puisse jouer pleinement son rôle, il importe que dans ce cadre ne soient pas auditionnés seulement les militaires et les représentants des industriels de la défense, mais également les ONG. Ces auditions doivent être régulières.

Le but est également d’amener le gouvernement à justifier les exportations d’armes dès lors qu’apparaît « le moindre risque » que ceux-ci contreviennent aux engagements internationaux ou un risque non négligeable que cela se produise à l’avenir. En effet, le principe de précaution doit être appliqué, dans une logique de prévention des conflits, de manière prioritaire sur les intérêts économiques procurés par les exportations.

PS. Voir également La Lettre de Damoclès n° 141 consacrée aux contrôle des transferts d’armes.