« Malgré les propositions du Parlement européen et de la société civile, cette année encore, le rapport a été publié trop tardivement, il est incomplet et les données sont incohérentes » ajoute l’ENAAT, un réseau d’ONG nationales et internationales sur le contrôle du commerce des armes de l’Europe. L’ENAAT impute en partie cette situation aux conséquences néfastes de la libéralisation intra-communautaire des exportations d’armes.

Les dernières données, qui concernent l’année 2014, sont maintenant aisément consultables dans la base de données Internet de l’ENAAT. Elles montrent que la première région destinataire des pays exportateurs d’armes de l’Union européenne reste le Moyen-Orient (plus de 31,5 milliards d’euros de licences en 2014), ce qui signifie que les pays de l’UE réalisent la majeure partie de leurs ventes d’armes vers des régimes autoritaires ou des zones marqués par d’importants conflits.

En 2014, les pays de l’UE ont régulièrement autorisé les exportations d’armes vers des pays en guerre ou des régimes responsables de violations de droits de l’homme comme l’Arabie saoudite (3,9 milliards €), le Qatar (11,5 milliards €), l’Égypte (6,15 milliards €) ou Israël (998 millions €).

L’ENAAT appelle l’Union européenne à mettre en œuvre une réponse globale aux conflits en agissant sur leurs causes sociales, économiques, environnementales ou politiques, plutôt qu’à jouer le rôle du pompier pyromane motivé par des bénéfices à court terme. Les ventes d’armes alimentent les conflits, ce qui en retour augmente les flux de réfugiés vers l’Europe et la mobilisation de fonds européens pour des programmes sans fin de reconstruction et de maintien de la paix. « Il est temps pour la paix et la sécurité de l’emporter sur la recherche du profit et la concurrence des intérêts nationaux », concluent les membres de ENAAT.

Le manque de transparence s’aggrave d’année en année

Le 17e rapport consolidé de l’UE sur les exportations d’armes en 2014 a été rendu public le 4 mai 2016.

« Avec cette publication tardive, le contrôle démocratique ressemble plutôt à une farce : les données relatives aux exportations d’armes datées de janvier 2014 seront discutées 27 mois après l’octroi des autorisations d’exportation, voire des livraisons. Si l’Union européenne et ses États membres prennent au sérieux le contrôle de ce commerce, cela doit s’améliorer », déclare Martin Broek, chercheur à Stop Wapenhandel (Pays-Bas).

Au vue de leur rapport, certains États-membres ne respectent les normes européennes en terme de transparence, ce qui rend impossible toute comparaison des données et vue d’ensemble des exportations d’armes de l’UE. Des grands pays exportateurs ne publient pas de données sur les livraisons, tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne. D’autres ne fournissent pas de données détaillées sur les types précis d’armement, comme la France et l’Italie.

« Au lieu de s’améliorer, le rapport sur les exportations d’armes ne fait que de se dégrader, malgré les propositions d’amélioration émanant de la société civile et du Parlement européen [2]. Ce manque de transparence ne doit pas être plus longtemps toléré », a déclaré Giorgio Beretta, analyste à la Rete italiana per il Disarmo (Italie).

En 2015, le Parlement européen a demandé que les rapports soient davantage harmonisés entre tous les États membres, qu’ils soient complets et publiés sans retard, afin de permettre une transparence et un débat effectifs. D’autre part, des sanctions doivent être mises en place en cas d’infraction. L’ENAAT rappelle que c’est aux États membres qu’incombe la responsabilité de mettre en place les cadres légaux et les mécanismes de transparence nécessaires au débat politique et au contrôle juridique, étant donné que la politique d’exportation d’armes relève de la compétence des États membres.

« Comme les gouvernements européens sont engagés dans la promotion de leurs exportations d’armes, le contrôle national restera un vœu pieux, jusqu’à que des actions judiciaires de la société civile soient possibles et que les priorités politiques changent », déclare Ann Feltham, coordinatrice à Campaign Against Arms Trade (CAAT, Royaume-Uni).

Le double jeu de l’Union européenne

Dans ses déclarations, l’Union européenne souhaite « empêcher les exportations d’armes qui pourraient être utilisées pour la répression interne, l’agression internationale ou contribuer à l’instabilité régionale » [3]. En pratique cependant, l’UE abaisse les normes de contrôle du commerce des armes en libéralisant le marché européen.

Par exemple, la France a entrepris une refonte complète de son système de contrôle des exportations dans le cadre de la directive intracommunautaire [4].« En plus d’abaisser le niveau de transparence, ce nouveau régime déresponsabilise les services de l’État et favorise le risque d’abus », déclare Tony Fortin, président de l’Observatoire des armements (France). Selon un rapport du Parlement français, 1/8ème des opérations de transferts d’armes conduites par les industriels et contrôlées par l’État, se sont révélées litigieuses.

Dans la région flamande en Belgique, suite à la mise en place des licences générales, il est devenu beaucoup plus difficile de contrôler quel est l’utilisateur final des transferts de composants ; en conséquence près de 50% des exportations de biens militaires ne sont plus contrôlées, selon Vredesactie (Belgique).

Signataires

Kampagne gegen Rüstungsexport (Allemagne)
Campaign Against Arms Trade (Royaume-Uni)
Centre Delàs for Peace Studies (Espagne)
Groupe pour une Suisse sans armée GSoA (Suisse)
Human Rights Institute (Slovaquie)
Nesehnuti (République tchèque)
Observatoire des armements (France)
Peace Union of Finland (Finlande)
Rete Italiana per il Disarmo (Italie)
Stop Wapenhandel (Pays-Bas)
Vredesactie (Belgique)

[2Résolution du Parlement européen du 17 décembre 2015 sur les exportations d’armes (2015/2114(INI))

[3Conclusions du Conseil de l’UE, 19.11.2012 (16373/12)

[4Directive 2009/43/EC sur les transferts de produits liés à la défense dans la Communauté