La France a mis un terme définitif en 1996 à la réalisation d’explosions nucléaires grandeur nature, après en avoir mené 210 au Sahara et en Polynésie. Pour de nombreuses organisations non gouvernementales qui œuvrent pour la paix et le désarmement nucléaire ce fut une grande victoire. Paris a joué la carte diplomatique en ratifiant deux ans plus tard le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) tout en développant un programme dit de simulation pour poursuivre la modernisation de son arsenal.

Ce traité interdit toute explosion expérimentale d’arme nucléaire et rend beaucoup plus complexe la prolifération de ces armes de destruction massive. Aujourd’hui, hormis la Corée du Nord aucun État ne penserait sérieusement à effectuer un essai nucléaire grandeur nature. Ce traité est ainsi devenu « une norme universellement acceptée contre les essais nucléaires », même s’il n’a pas force de loi, n’ayant pas été ratifié par certains États déterminants dans ce domaine (Corée du nord, Chine, États-Unis, Inde, Israël, Pakistan, Iran, Égypte).

La communauté internationale a besoin de symboles pour faire prendre conscience aux dirigeants politiques et aux citoyens d’un danger qui menace notre existence. Adoptée par consensus par l’Organisation des Nations unies (ONU), la « Journée internationale contre les essais nucléaires », qui a lieu chaque année le 29 août, nous rappelle que « l’arrêt des essais nucléaires est l’un des principaux moyens d’atteindre l’objectif d’un monde sans armes nucléaires » (résolution 64/35). Or, en 2016, il reste encore plus de 15 000 bombes atomiques à travers le monde. Elles ont toutes des capacités de destruction dont nous espérons ne jamais devoir mesurer les conséquences. Malgré le TICE qui a créé une interdiction morale puissante, aussi longtemps que les armes nucléaires existeront, le risque de voir un champignon s’élever dans le ciel dû à un accident, une erreur de calcul ou un acte intentionnel reste entier. Cette crainte a été exprimée une nouvelle fois par 144 États à l’ONU en 2015.

L’incohérence de la France

Le TICE est donc une étape importante vers un monde où ces armes nucléaires seront interdites et éliminées. La France soutient et multiplie les approches - vers Israël notamment - pour que le TICE puisse pleinement avoir force de loi. Mais dans le même temps, elle use de tout son poids pour entraver les démarches des États qui souhaitent la création d’un instrument juridique contraignant qui les interdirait. Où est la logique ? La France a ainsi traité de « distraction » les conférences sur les incidences humanitaires des armes nucléaires en 2013 et 2014 qui ont rassemblé près de 70 % des États de la planète. Elle a aussi joué la politique de la chaise vide lors de ces conférences et des 3 sessions du groupe de travail sur le désarmement nucléaire organisées en 2016. Elle qualifie de dangereuse l’idée d’un traité qui interdirait les dernières armes de destruction massive au prétexte que cela aurait des conséquences qu’elle ne prend pas le soin de détailler.

Le 29 août est là pour nous rappeler qu’il ne faut ménager aucun effort pour éviter toute nouvelle utilisation de ces armes. Lors de son discours sur la dissuasion à Istres en 2015, le président Hollande appelait de ses vœux la naissance d’un contexte stratégique qui permette à terme l’élimination totale des armes nucléaires : l’occasion est là.

À l’automne 2016, l’Assemblée générale de l’ONU va débattre d’une résolution permettant de travailler dès 2017 à l’établissement d’un traité d’interdiction des armes nucléaires. Si la France encourage cette démarche elle aura fait un grand pas pour créer ce futur contexte stratégique et sera enfin cohérente avec ses obligations internationales.